Description
extrait
Pour le problème qui nous occupe, j’appellerai femelle toute opération psychique dans laquelle le moi se sacrifie au profit des désirs de l’autre. Ces désirs peuvent être réels ou fantasmés, concentrés ou diffus — les exigences sexuelles d’un petit ami, un faisceau d’attentes culturelles, une grossesse matérielle —, mais le moi se vide quoi qu’il en soit de lui-même et sert d’incubateur à une puissance externe. Être femelle c’est laisser quelqu’un d’autre mener le travail du désir à sa place, à ses dépens aussi. Ça signifie que la femellité, bien qu’elle ne fasse souffrir qu’à des moments donnés, est par essence préjudiciable. Son retentissement terminal, au moins dans les cas recensés jusqu’ici, est la mort.
Il s’agit, ça va de soi, d’une définition hautement contestable. Elle semble d’autant plus fantaisiste si vous, comme moi, l’appliquez à tout le monde — littéralement tout le monde, chaque petit être humain depuis la création de la planète. Donc c’est bien ça : quand je parle de femelles, je ne parle pas de sexe biologique, quoique je ne fasse pas référence au genre non plus. Je parle en fait de quelque chose qui pourrait tout aussi bien être le sexe tel que les réactionnaires le décrivent (permanent, toujours identique à lui-même, etc.), mais dont la nature est ontologique, pas biologique. La femellité n’est pas le caractère anatomique ou génétique d’un organisme mais plutôt la condition existentielle univer- selle, l’unique structure de la conscience humaine. Être, c’est être femelle : les deux sont identiques.